Face aux enjeux et défis cruciaux qui s'imposent à notre société au sortir de deux années de crise sanitaire et dans le contexte d'une guerre qui se déroule sur notre sol européen et qui marquent, selon certains, la fin de « l'ancien monde », le manque d'ambition fiscale qui ressort de la plupart des programmes des candidats pourrait passer pour un paradoxe, pour ne pas dire un anachronisme. Pour le grand soir fiscal, vous repasserez !
Concédons toutefois qu'une réforme fiscale disruptive, pour autant qu'elle relèverait d'une volonté politique, s’avérerait contextuellement difficile, les contingences économiques actuelles prenant (une fois encore) le pas sur toute vision à long terme : l'heure n'est plus à l'assainissement des finances publiques. La priorité des Français aujourd'hui, face à l'envolée des prix des matières premières et à la poussée inflationniste, c'est le pouvoir d'achat. Les candidats se sont saisis de cet impératif dans leur programme, bien que les mesures relèvent à ce stade davantage de la cosmétique que du traitement lourd.
Mais assurément, le candidat qui sera élu devra composer avec la nouvelle équation économico-sociale que provoque la crise Ukrainienne et de nouvelles mesures fiscales viendront probablement sur la table, notamment pour soutenir le pouvoir d'achat.
Nous vous proposons ci-après une synthèse du programme des huit principaux candidats (en termes d'intentions de vote) quant à la fiscalité des particuliers, dont nous dégagerons les grandes lignes directrices. A ce stade, il ne s'agit que de promesses de campagnes.
Nous vous invitons à consulter le tableau descriptif du programme des candidats en cliquant ici.
Impôt sur le revenu :
La question de la progressivité du barème et celle de l'imposition des revenus de l'épargne reviennent une nouvelle fois au cœur des débats.
A gauche, la réduction du nombre de tranches du barème de l'impôt sur le revenu et surtout l'instauration de la « flat tax », un des symboles de la réforme fiscale « Macron » de 2017, ne sont pas digérées. Tous les candidats de ce bord politique souhaitent revenir, comme sous le quinquennat de François Hollande, à une imposition des revenus financiers au barème progressif, au nom du sacro-saint principe d'égalité de traitement fiscal entre les revenus du travail et ceux de l'épargne... et tant pis si cette mesure décidée par le précédent Président s'était avérée foncièrement contre-productive.
La plupart des mesures proposées à droite ne constituent pas une réforme majeure. Elles vont en faveur du pouvoir d'achat, des familles et des jeunes :
- Défiscalisation des heures supplémentaires (E. Zemmour; V. Pécresse), de la « prime Macron » dont le plafond est relevé (E. Macron), et de la prime de participation des salariés.
- Relèvement du plafond du quotient familial (E. Zemmour) qui pourrait bénéficier aux couples non mariés (E. Macron) et qui compterait pour une part entière dès le 1er enfant (V. Pécresse).
- Exonération d'impôt sur le revenu pour les jeunes actifs (M. Le Pen).
- Exonération des pensions alimentaires (V. Pécresse).
Il est frappant de constater, bien que ce ne soit guère une surprise, que peu de candidats (à l'exception, par exemple, de J-L. Mélenchon) s'attaquent frontalement à ce qui est considéré comme une « verrue » de notre système fiscal : les niches fiscales. Au nombre de 500 environ, elles coûtent chaque année près de 100 milliards d'euros au budget de l'Etat alors que, selon le rapport de l'Inspection Générale des Finances, 53% d'entre elles sont économiquement inefficaces. Il eut été pertinent, surtout dans le contexte actuel, de revoir au moins les plus coûteuses et les moins efficaces. Las, les intérêts particuliers l'emportent encore sur l'intérêt général...
Impôt sur la fortune : l'éternel symbole du clivage droit-gauche se pare de vert
Sans surprise, les candidats de la gauche souhaitent remettre en cause l'actuel impôt sur la fortune immobilière, instauré en 2018 en remplacement de l'ISF dont l'assiette portait également sur le patrimoine financier. Mais tous ou presque veulent lui assigner une dimension écologique : « ISF climatique », « ISF climat et biodiversité », l'impôt sur la fortune devrait désormais tenir compte de l'impact écologique des biens du patrimoine, soit en raison de leur nature, soit en raison de leur montant (sic).
A droite, on prône le statut quo, voire un allègement (portant sur la résidence principale), à l'exception de M. Le Pen qui souhaite faire porter l'impôt sur la fortune financière, " dont une grande partie relève de la spéculation ".
Impôt sur les donations / successions :
Il s'agit incontestablement du sujet fiscal phare de la campagne dont tous les candidats se sont emparés et qui, lui aussi, marque clairement la ligne de fracture droite-gauche.
Cette concentration inédite du débat sur le sujet des droits de succession / donation n'est guère surprenante, puisque le débat s'inscrit dans la continuité d'une série de rapports, tant nationaux qu'internationaux, publiés au cours de ces derniers mois, qui pointent tous les inégalités de patrimoine (la fameuse « société d'héritiers ») vis-à-vis desquelles les droits de succession / donation sont vus comme un catalyseur :
- Rapport Blanchard-Tirole du 20 juin 2021 sur les « grands défis économiques ».
- Rapport de l'OCDE du 15 octobre 2021 sur « l'impôt sur les successions ».
- Rapport du Conseil d'Analyse Economique de décembre 2021 intitulé « Repenser l'héritage ».
La plupart des candidats de gauche, ont, sinon couché dans leur programme, du moins évoqué oralement l'idée, reprise dans les différents rapports cités ci-dessus, d'imposer les héritiers en tenant compte de tout ce qu'ils ont reçu tout au long de leur vie, par succession ou donation, quel que soit le lien de parenté avec le gratifiant. Cette nouvelle modalité d'imposition s'accompagnerait d'un abattement unique, de la fin du délai de rappel fiscal des donations et d'un relèvement des tranches et taux d'imposition pour rendre l'imposition plus progressive. Il s'agirait là d'une incontestable façon de « repenser l'héritage » et, aux yeux de ses promoteurs, de réduire les inégalités patrimoniales. Mais une telle réforme impliquerait, pour être mise en œuvre, de lourds et profonds ajustements de notre système fiscal sur lesquels, en revanche, les candidats ne se sont pas prononcés.
A droite, un certain classicisme se dégage des programmes : les candidats souhaitent relever les abattements applicables aux transmissions en ligne directe et indirecte (grands-parents, oncles et tantes, frères et sœur), afin de prendre en compte certaines réalités sociétales (allongement de la durée de vie, transmission moins linéaire des patrimoines, etc.) et d'épargner les « petites » successions. Une diminution du délai de rappel fiscal des donations (actuellement de 15 ans) est également proposée. En revanche, pas question de revoir le barème ni de toucher à certains dispositifs spécifiques, au premier rang desquels figure le dispositif Dutreil en matière de transmission d'entreprise (que certains candidats à gauche ont dans le viseur).
L'assurance vie :
L'assurance vie, dont le régime fiscal (en matière de transmission surtout) a été plus d'une fois sous le feu des projecteurs lors de différentes échéances électorales comme lors de nombreux débats législatifs, est la grande ignorée des programmes des différents candidats.
A l'exception de Y. Jadot (dont le projet induirait la fin du régime fiscal, dérogatoire, de cette enveloppe financière), la totalité des candidats, à gauche comme à droite de l'échiquier politique, ont fait savoir qu'ils ne souhaitaient pas revoir le régime fiscal de l'assurance vie, star incontestée des placements d'épargne en France. Ce curieux et inédit consensus, dont on ne peut que se féliciter, signifie-t-il que l'assurance vie s'érige comme un totem intouchable ? On peut en douter, et force est de reconnaître que cette « immunité » fiscale qui perdure va quelque peu à contre-courant des récents rapports nationaux et internationaux, évoqués plus haut, qui fustigeaient sans convaincre le régime fiscal dérogatoire dont cette enveloppe bénéficie.
David Tavernier
Ingénieur Patrimonial
ODDO BHF Banque Privée
Rédigé le 29 mars 2022
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