Non, le PACS n'est pas l'égal du mariage

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Patrimoine 16/09/2022

Non, le PACS n'est pas l'égal du mariage

ODDO BHF2 Minutes

Il est de bon ton de conseiller aux concubins réfractaires au mariage de se tourner vers le Pacte civil de solidarité (PACS) afin de se protéger, on oublierait presque que le PACS est un régime juridique autonome et non une copie conforme « moderne » du mariage. 

Conseiller le PACS est avisé sur le plan fiscal : le partenaire de PACS est exonéré de droits de succession pour les legs reçus de son partenaire décédé, comme pour les époux. Le concubin devra s'acquitter, quant à lui, de 60% de droits de succession.

Pourtant, un conseil purement fiscal est une mauvaise recommandation. Il convient de ne pas oublier l'importance du droit civil. La Cour de cassation l'a rappelé dans un arrêt de juin dernier :

Un homme, père d'une fille d'un premier lit décède. Dans un testament il lègue à sa partenaire de PACS, qui n'est pas la mère de sa fille, l'usufruit de sa résidence principale, qui constitue l'essentiel de son patrimoine.

Le legs se heurte à la réserve héréditaire de la fille. La réserve correspond à la part minimale du patrimoine du défunt que doit recevoir un héritier réservataire libre de toute charge, cela signifie qu'elle doit être délivrée en pleine propriété sans contrainte. En l'occurrence l'héritière disposait d'une réserve égale à 50% de la masse successorale. La maison dont l'usufruit avait été légué à la partenaire représentait 80% de la masse en question. 

Le legs, destiné à protéger la partenaire, se heurtait donc à la réserve de la fille. Afin de constater l'atteinte à la réserve, il convient de retenir la valeur en pleine propriété du bien grevé d'un usufruit et non la seule valeur de l'usufruit.


Quels enseignements ?

D'abord un rappel : en présence d'enfants, le PACS couplé d'un testament reproduisant les droits du conjoint (marié donc) survivant en prévoyant un usufruit sur l'intégralité de la succession se heurte à la réserve des enfants, qu'ils soient communs ou non. Seul le mariage offre, par le jeu de l'article 1094-1 du Code civil, une quotité disponible spéciale permettant au conjoint survivant d'appréhender un usufruit intégral ne pouvant être remis en cause par les enfants, communs ou non :

« Pour le cas où l'époux laisserait des enfants ou descendants, issus ou non du mariage, il pourra disposer en faveur de l'autre époux, soit de la propriété de ce dont il pourrait disposer en faveur d'un étranger, soit d'un quart de ses biens en propriété et des trois autres quarts en usufruit, soit encore de la totalité de ses biens en usufruit seulement. » Cette disposition ne s'applique pas au PACS.

Ensuite un apport jurisprudentiel attendu des praticiens : l'arrêt précise la méthode de liquidation du legs en usufruit : l'imputation du legs sur l'actif successoral se fait « en assiette », il convient de retenir la valeur de l'actif en pleine propriété et non l'unique valeur de l'usufruit.


Vous l'aurez compris, dans certaines situations (famille recomposée), le PACS assorti d'un testament n'offrira pas toute latitude à celui qui souhaite protéger son partenaire. Le PACS offre des possibilités extrêmement limitées en matière de « régimes matrimoniaux », enfin le partenaire survivant ne pourra pas prétendre à une pension de réversion.

Il ne s'agit pas d'un plaidoyer pour le mariage, mais d'une invitation à s'interroger sur ses objectifs : quelle protection souhaite-t-on offrir à son partenaire ?

La situation conjugale et les dispositions qui l'accompagnent permettent-elles d'y répondre ? 

Quels effets souhaite-t-on imposer corrélativement aux enfants, particulièrement ceux d'un autre lit ? Les droits des uns pouvant entrer en concurrence avec ceux des autres.

Il était temps de souligner la vérité, juridiquement le PACS n'est pas l'égal du mariage, il est parfois insuffisant, d'où la modernisation du mariage en 2013. 

Cass. 1re civ., 22 juin 2022, n°20-23.215

 

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Alexandre Feuilleuse
Ingénieur Patrimonial
Rédigé le 16 septembre 2022

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